Théophilyon
– 2019 XXIV, vol.1, p.278-280.
Emmanuel
Nduwayo, Les ministères dans les
communautés ecclésiales. Une espérance pour l’Église, Beau Bassin, éditions
Croix du salut, 2017, 410 p.
Les
communautés ecclésiales de base peuvent-elles constituer un authentique lieu théologique
de communion, qui permette de jeter de nouvelles bases théoriques et pratiques
en vue de l’inculturation, de la libération et de la reconstruction en Afrique ?
Comment laïcs, évêques et prêtres collaborent-ils à l’expansion du Règne de
Dieu ?
Dans
la première partie du livre, l’auteur contextualise la place des
« communautés ecclésiales vivantes de base » (CEVB) en Afrique et
dans les documents magistériels, dont les deux exhortations post-synodales Ecclesia in Africa et Africae munus. Il montre que les CEVB
« constituent le lieu privilégié de l’africanisation du christianisme et
de la vie chrétienne » : « elles servent de lieux autonomes de
partage, de la célébration de la vie, de quête de liberté, de réflexion sur la
vie sociale et d’appui à des engagements divers en faveur de la réconciliation,
de la justice et de la paix » (p. 28).
La
deuxième partie (p. 101-263) cherche à vérifier la cohérence et la pertinence des CEVB et des ministères en
décontextualisant la question par une approche tour à tour d’exégèse (avec la
présentation des travaux de Vittorio Fusco et de François Vouga), de patristique
et de dogmatique contemporaine (Yves Congar, Jérôme Hemer, le Concile Vatican
II). Les notions de communion, mais aussi d’apostolicité et de pastorale de
proximité, sont au cœur de cette enquête méthodique et efficace qui met en
valeur la solidité et la souplesse de la doctrine ecclésiologique catholique dans
l’histoire, la perspective protestante étant signalée au passage. La deuxième
partie aboutit à un chapitre important (p. 201-263), qui traite de l’articulation
entre structure hiérarchique et participation à la vie et à la mission de l’Église,
favorisée dans les CEVB en Afrique, quand sont mis en avant « les
fondements de ce nouveau phénomène : la grâce du baptême, les charismes de
l’Esprit, la mission confiée par l’évêque » (p. 263).
La
dernière partie (p. 264-389) se propose alors de recontextualiser la question,
de « repenser l’Église communion de communions à partir des CEVB et des
ministères », en identifiant « les divers facteurs épistémologiques
présents dans la vie des CEVB pour déterminer leur noyau rationnel, leur
articulation épistémologique et leur langage ecclésiologique » (p. 265). L’auteur
s’appuie notamment sur Jean-Marc Ela, Laurenti Magesa et Jürgen Moltmann pour
travailler la question de la libération des formes historiques et actuelles de
destruction, que ces formes soient externes (esclavage, colonisation…) ou
internes (corruptions, guerres interethniques…). Il montre alors comment les
CEVB peuvent être des lieux de réconciliation mais également, en dialogue avec
J.-M. Ela et Walter Kasper, des lieux d’exercice du ministère : celui de
la Parole, des malades, de l’évangélisation et le « ministère
extraordinaire de l’Eucharistie ». Les CEVB sont aussi un rempart contre
l’anonymat des grandes paroisses, que les chrétiens peuvent plus facilement
déserter, y compris au profit d’autres propositions religieuses plus
valorisantes.
La
thèse de doctorat en théologie dogmatique d’Emmanuel Nduwano, dirigée par René
Tabard (ICP), est à la recherche d’une approche globale pour comprendre le rôle
ecclésiologique des CEVB dans l’inculturation et l’évangélisation. Elle allie
avec bonheur missiologie, théologie fondamentale et théologie pastorale pour
ressaisir les grands enjeux ecclésiologiques des CEVB, en particulier au
Burundi, dont est originaire l’auteur, prêtre du diocèse de Bururi et
actuellement fidei donum dans le
diocèse de Créteil. La thèse, dense, est très bien documentée et menée avec
méthode. Un de ses atouts majeurs est de faire dialoguer des théologiens et des
praticiens d’Afrique et d’Europe sans perdre de vue ni les modèles de l’Écriture
et de l’Église ancienne, ni l’histoire de la mission de l’Église dans le monde,
ni les textes magistériels récents sur la mission de l’Église.
Un
bémol, peut-être, serait à mettre sur les pages traitant de la libération de la
loi (p.288-290) qui ne prennent en compte ni les nuances importantes dans le
monde juif où vivent Jésus et Paul, ni leurs positions balancées sur la
question de la loi, ni le fait que les apôtres étaient juifs et que les
premières communautés étaient souvent formées de Juifs. Les travaux de Fusco et
de Vouga, pourtant résumés dans la deuxième partie, mais aussi ceux de
Cuvillier ou de Quesnel, auraient permis de mieux cerner les enjeux de cette
question importante du rapport entre religion, loi et salut dans le contexte
des petites communautés.
Marie-Hélène
Robert
Professeur
de Théologie, Missiologue
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